Beaucoup rêvent de vivre sur un bateau en ville, peu passent
à l’acte: au delà du plaisir de vivre sur l'eau, le parcours est un peu celui du combattant !
Parce qu'il faut:
- Trouver et acheter un bateau, en général une ancienne
péniche de transport, souvent un gabarit Freycinet (38,50m X 5,05m)
- Transformer la cale de 100M2 en logement, comme on aménage une maison qui aurait juste ses 4 murs,
- Mettre le bateau en conformité avec les normes européennes,
- Trouver un
emplacement. Rare, très rare à Lyon les emplacements, et chers : environ
5 000€/an juste pour stationner et (nouveau!) participer aux frais de dragage…,
5 000€/an juste pour stationner et (nouveau!) participer aux frais de dragage…,
- L'assurer auprès d'une compagnie spécialisée,
- L’entretenir en allant régulièrement au
chantier naval ou au slipway (tous les 5 ans par précaution).
-
Et accepter de n'être propriétaire QUE du bateau, mais pas de
l'emplacement qui est soumis à l'octroi d'une AOT (Autorisation
d'Occupation Temporaire du domaine public). Précaire donc et au bon
vouloir du concédant (la Métropole de Lyon ou VNF pour les fleuves de
Lyon).
Ce qui fait
qu’en matière de décision de vivre sur un bateau, il y a souvent loin de la coupe aux lèvres !
Une communauté d'une centaine de bateaux stationnaires
À
Lyon, on compte entre Saône et Rhône une centaine de
péniches stationnaires. Pour la plupart lieux d’habitation, certaines
d'activité. Les occupants, propriétaires
de leur bateau qui ont souvent transformé eux-mêmes leur péniche en
habitation, sont liés par l’amour du fleuve et de leur bateau, la
liberté qu’offre la vie sur
l’eau, mais aussi les contraintes de la nature (baisses et montées des
eaux), contrainte du bateau aussi (amarrages, fluides, entretien...). Si
bien que quand un
habitant du fleuve rencontre un autre habitant du fleuve, ils se
racontent
invariablement... des histoires de bateaux !
Et ce lien forme communauté. Cette communauté des gens du
fleuve qui se traduit par une complicité joyeuse et une indéfectible solidarité.
La
communauté s'est organisée: en plus des deux associations historiques
de Lyon: l'ARAHF et l'ALUVE, le Collectif "Les Péniches de Lyon" a été
créé début 2017 (cf ICI).
Solidarité !
L’occasion
de mettre en pratique cet engagement naturel
d’entraide est le dragage décennal du Rhône, que vivent en ce mois de
décembre 16 péniches stationnaires amarrées sur sa rive gauche.
Le
fleuve s’ensable naturellement et il est nécessaire de
l’entretenir. Cette mission est de la responsabilité de la Métropole de
Lyon, concessionnaire du fleuve à Lyon intra-muros. Or, qui dit
entretient d’un fleuve, dit dragage régulier de façon à enlever les
sédiments qui s’accumulent sur ses bords. Les péniches stationnaires
participant largement au financement, elles sont donc très impliquées.
Draguer un fleuve, ça parait
simple. Pas si simple que ça en réalité !
D’abord, il faut connaitre la composition des sédiments afin
de savoir s’ils sont écologiquement neutres et ainsi pouvoir les remettre dans le lit du fleuve.
D’où une complexe analyse de prélèvements, réalisé par la DREAL (Direction Régionale de l'Environnement, de l'Aménagement et du Logement).
Ensuite
connaître la bathymétrie* du fleuve afin de savoir où s'accumulent les
sédiments, mesurer les quantités en cubage puis savoir où les
remettre dans le lit du fleuve (si les analyses de la DREAL sont
positives).
la bathymétrie 2017 du bateau Balthazar |
Enfin, déplacer les péniches qui sont amarrées sur les rives à
draguer, le temps du dragage de leur emplacement.
Pour
cela, une pelle mécanique sur ponton flottant accède aux rives du
fleuve, creuse dans les sédiments et les dépose dans une barge qui
va les transporter pour les déposer par « clapage »** dans les fosses
sub-aquatiques repérées dans le chenal du fleuve.
pelle mécanique sur ponton |
Le
ballet des 16 péniches de la rive gauche du Rhône entre
le Pont De Lattre et le pont Lafayette a donc commencé le 4 décembre
2017 et devait
se terminer le 20 décembre… las ! les aléas mécaniques (pannes des
équipements de dragage) et climatiques (crue, vents violents) ont
retardé le planning prévu, si bien que les travaux devront se poursuivre
à partir du
2 janvier 2018.
Le ballet des
péniches, un rituel quotidien qui rassemble
Chaque matin à 8H, la pelle mécanique sur ponton flottant
commence son travail. Elle remplit le bateau « clapeur » qui va
déposer les sédiments dans une des fosses du chenal. Puis la pelle se déplace
de quelques mètres et poursuit son travail d’extraction et de remplissage du « clapeur »,
ce jusqu’à 18H.
C’est donc chaque soir à 18H que les péniches doivent se déplacer,
pour se mettre « à couple »***
avec la péniche suivante afin de libérer l’emplacement pour le lendemain
matin 8H, heure de démarrage des travaux de la journée.
En hiver, cela signifie des déplacements de nuit !
Imaginez les habitants des bateaux, solidairement prêts dès
17H30, péniche après péniche, pour :
1- aider au désamarrage, débranchements eau, électricité et téléphone,
tirage des passerelles à terre,
2- participer au déplacement de la péniche (qu'elle soit
auto-motorisée ou déplacée par pousseur) pour la mener à couple de la péniche suivante,
3- recommencer les amarrages et
autres branchements sur la péniche "accueillante".
Il en faut des bras pour réaliser ces délicates opérations
et plus encore de nuit !
Les
habitants des péniches sont tous à la manœuvre autour du bateau à
déplacer, sans rechigner, se rendant disponible malgré leurs propres
emplois du temps.
Même quand une passerelle récalcitrante ou trop lourde
nécessite de durs efforts physiques pour éviter qu'elle ne tombe dans l'eau,
Même quand les éléments se déchainent au
risque de rompre les amarres,
Même quand on n’y voit rien du tout tant la nuit
est noire!
Galère? Un peu ! mais heureusement, la fin de chaque déplacement est l’occasion
de
se retrouver autour d’un verre sur la péniche accueillante, jusqu’au
lendemain soir suivant ! Vous comprenez pourquoi ça crée des liens ? ;-)
C’est aussi tout cela la vie sur une péniche !
Retrouvez l’actualité des péniches ARAHF sur FaceBook
* bathymétrie : mesure des profondeurs et du relief du fleuve pour
déterminer la topographie du fond.
** clapage : action d’ouvrir le fond d’une barge ou un
automoteur spécialisé pour verser des sédiments dans une fosse subaquatique
*** à couple : se dit de deux bateaux amarrés l'un à côté de l'autre
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