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vendredi 29 décembre 2017

Dragage des péniches, pas facile facile !!


Beaucoup rêvent de vivre sur un bateau en ville, peu passent à l’acte: au delà du plaisir de vivre sur l'eau, le parcours est un peu celui du combattant !
Parce qu'il faut:

- Trouver et acheter un bateau, en général une ancienne péniche de transport, souvent un gabarit Freycinet (38,50m X 5,05m)
- Transformer la cale de 100M2 en logement, comme on aménage une maison qui aurait juste ses 4 murs,
- Mettre le bateau en conformité avec les normes européennes,
- Trouver un emplacement. Rare, très rare à Lyon les emplacements, et chers : environ 
5 000€/an juste pour stationner et (nouveau!) participer aux frais de dragage…, 
- L'assurer auprès d'une compagnie spécialisée, 
- L’entretenir en allant régulièrement au chantier naval ou au slipway (tous les 5 ans par précaution). 
- Et accepter de n'être propriétaire QUE du bateau, mais pas de l'emplacement qui est soumis à l'octroi d'une AOT (Autorisation d'Occupation Temporaire du domaine public). Précaire donc et au bon vouloir du concédant (la Métropole de Lyon ou VNF pour les fleuves de Lyon).


Ce qui fait qu’en matière de décision de vivre sur un bateau, il y a souvent loin de la coupe aux lèvres !

Une communauté d'une centaine de bateaux stationnaires

À Lyon, on compte entre Saône et Rhône une centaine de péniches stationnaires. Pour la plupart lieux d’habitation, certaines d'activité. Les occupants, propriétaires de leur bateau qui ont souvent transformé eux-mêmes leur péniche en habitation, sont liés par l’amour du fleuve et de leur bateau, la liberté qu’offre la vie sur l’eau, mais aussi les contraintes de la nature (baisses et montées des eaux), contrainte du bateau aussi (amarrages, fluides, entretien...). Si bien que quand un habitant du fleuve rencontre un autre habitant du fleuve, ils se racontent invariablement... des histoires de bateaux !

Et ce lien forme communauté. Cette communauté des gens du fleuve qui se traduit par une complicité joyeuse et une indéfectible solidarité.
La communauté s'est organisée: en plus des deux associations historiques de Lyon: l'ARAHF et l'ALUVE, le Collectif "Les Péniches de Lyon" a été créé début 2017 (cf ICI).



Solidarité !

L’occasion de mettre en pratique cet engagement naturel d’entraide est le dragage décennal du Rhône, que vivent en ce mois de décembre 16 péniches stationnaires amarrées sur sa rive gauche.

Le fleuve s’ensable naturellement et il est nécessaire de l’entretenir. Cette mission est de la responsabilité de la Métropole de Lyon, concessionnaire du fleuve à Lyon intra-muros. Or, qui dit entretient d’un fleuve, dit dragage régulier de façon à enlever les sédiments qui s’accumulent sur ses bords. Les péniches stationnaires participant largement au financement, elles sont donc très impliquées.


Draguer un fleuve, ça parait simple. Pas si simple que ça en réalité !

D’abord, il faut connaitre la composition des sédiments afin de savoir s’ils sont écologiquement neutres et ainsi pouvoir les remettre dans le lit du fleuve. D’où une complexe analyse de prélèvements, réalisé par la DREAL (Direction Régionale de l'Environnement, de l'Aménagement et du Logement).

Ensuite connaître la bathymétrie* du fleuve afin de savoir où s'accumulent les sédiments, mesurer les quantités en cubage puis savoir où les remettre dans le lit du fleuve (si les analyses de la DREAL sont positives).
la bathymétrie 2017 du bateau Balthazar


Enfin, déplacer les péniches qui sont amarrées sur les rives à draguer, le temps du dragage de leur emplacement.

Pour cela, une pelle mécanique sur ponton flottant accède aux rives du fleuve, creuse dans les sédiments et les dépose dans une barge qui va les transporter pour les déposer par « clapage »** dans les fosses sub-aquatiques repérées dans le chenal du fleuve.
pelle mécanique sur ponton

automoteur "clapeur"

Le ballet des 16 péniches de la rive gauche du Rhône entre le Pont De Lattre et le pont Lafayette a donc commencé le 4 décembre 2017 et devait se terminer le 20 décembre… las ! les aléas mécaniques (pannes des équipements de dragage) et climatiques (crue, vents violents) ont retardé le planning prévu, si bien que les travaux devront se poursuivre à partir du 2 janvier 2018.



Le ballet des péniches, un rituel quotidien qui rassemble

Chaque matin à 8H, la pelle mécanique sur ponton flottant commence son travail. Elle remplit le bateau « clapeur » qui va déposer les sédiments dans une des fosses du chenal. Puis la pelle se déplace de quelques mètres et poursuit son travail d’extraction et de remplissage du « clapeur », ce jusqu’à 18H.

C’est donc chaque soir à 18H que les péniches doivent se déplacer, pour se mettre « à couple »***  avec la péniche suivante afin de libérer l’emplacement pour le lendemain matin 8H, heure de démarrage des travaux de la journée. 
En hiver, cela signifie des déplacements de nuit !

Imaginez les habitants des bateaux, solidairement prêts dès 17H30, péniche après péniche, pour :
1-  aider au désamarrage, débranchements eau, électricité et téléphone, tirage des passerelles à terre, 
2-  participer au déplacement de la péniche (qu'elle soit auto-motorisée ou déplacée par pousseur) pour la mener à couple de la péniche suivante,
3- recommencer les amarrages et autres branchements sur la péniche "accueillante".


Il en faut des bras pour réaliser ces délicates opérations et plus encore de nuit !

Les habitants des péniches sont tous à la manœuvre autour du bateau à déplacer, sans rechigner, se rendant disponible malgré leurs propres emplois du temps. 
Même quand une passerelle récalcitrante ou trop lourde nécessite de durs efforts physiques pour éviter qu'elle ne tombe dans l'eau,
Même quand les éléments se déchainent au risque de rompre les amarres,
Même quand on n’y voit rien du tout tant la nuit est noire!




 

Galère? Un peu ! mais heureusement, la fin de chaque déplacement est l’occasion de se retrouver autour d’un verre sur la péniche accueillante, jusqu’au lendemain soir suivant ! Vous comprenez pourquoi ça crée des liens ? ;-)



C’est aussi tout cela la vie sur une péniche !



Retrouvez l’actualité des péniches ARAHF sur FaceBook



* bathymétrie : mesure des profondeurs et du relief du fleuve pour déterminer la topographie du fond.

** clapage : action d’ouvrir le fond d’une barge ou un automoteur spécialisé pour verser des sédiments dans une fosse subaquatique
*** à couple : se dit de deux bateaux amarrés l'un à côté de l'autre

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